Adélaïde ne m’a plus adressé la parole de la journée. Elle m’en voulait encore de lui avoir menti. Quelle rancunière, celle-là! Au souper, elle n’a desserré les dents que pour avaler sa soupe, son braisé et sa salade de carottes. Puis le dessert est arrivé – un immense gâteau aux carottes. Mais le cœur n’y était pas. Le mutisme de ma tante (ou son air bête, si vous préférez) m’avait coupé l’appétit. N’y tenant plus, j’ai craché le morceau :

– Je ne suis pas venue à Rosemont pour étudier les chats de ruelles.

La vieille a posé sa fourchette.
– Tiens, tiens…

J’ai continué :
– Je fais partie de l’escouade des Zalaffûts. Je suis à la recherche du glouf.

Adélaïde a esquissé un drôle de sourire. Allait-elle se moquer de moi?

– Le glouf est un animal très rare, ai-je expliqué. Et méconnu. Très peu de gens ont eu la chance de l’apercevoir.

Ma tante a hoché la tête lentement. Non seulement elle ne se moquait pas de moi, mais mon récit semblait l’intéresser.

– Croyez-vous en l’existence du glouf? ai-je risqué.

Adélaïde s’est penchée au-dessus de la table. Ses petits yeux rusés se sont mis à briller. Elle a approché son visage tout fripé du mien. Elle a dit :

– Bien sûr que j’y crois à ton glouf! Même que je l’ai vu. Vu de mes yeux vu. Vrai comme je suis là!

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